Embellir, expliquer et enrichir le texte En 1134, le chapitre général de l’ordre de Cîteaux interdit les représentations humaines et animales, les lettres polychromes (de plusieurs couleurs), et les fermoirs d’or. Bernard, abbé de Clairvaux dénonce ces illustrations sur fond d’or, ces bêtes fantastiques qui détournent l’attention des lecteurs. Le manuscrit 27 réalisé dans le scriptorium de l'abbaye de Clairvaux vers 1140 obéît à ces règles. Mais une autre vision cohabite, tendant à glorifier Dieu par l’usage d’enluminures somptueuses, à laisser l’artiste libre d’embellir ces manuscrits, dont certains sont destinés à être offerts ou sont commandés par des rois ou des princes. Le manuscrit 458 de la B.M.V.R. de Troyes, la Bible de Saint Bernard, qui serait annoté de la main même de Saint Bernard, est très proche du manuscrit 2391, la Bible des Comtes de Champagne. Tous deux ont été réalisés à Chartres vers 1140, pour le comte Thibaut II de Champagne, qui donna l’un des deux exemplaires richement illustrés à son ami Bernard de Clairvaux. A partir du XIIe siècle, les illustrations prennent une place croissante dans les manuscrits, jusqu’à occuper une place parfois plus importante que le texte (manuscrit 178, manuscrit 1897. Elles sont variées et remplissent plusieurs fonctions.
Le manuscrit 2391 présente des tableaux de concordance des Évangiles illustrés de paysages urbains. Certaines marges sont embellies par un décor végétal qui peut se terminer par des personnages, des animaux, des scènes de chasse, comme le montre le manuscrit 89. L’art des enlumineurs Pour réaliser leurs œuvres, les peintres enlumineurs utilisent des pinceaux formés de quelques poils de bœuf, de martre ou d’écureuil, des chiffons pour essuyer pinceaux et plumes, des mortiers pour y écraser les pigments qui allaient entrer dans la composition des encres. L’encre rouge a pour base un oxyde de plomb, le minium,. L’encre noire s’obtient par dissolution de noir de fumée ou d’autres carbones dans l’eau. L’encre noire dite métallo-gallique mélange des solvants, tel le vitriol, et des tannins végétaux, telles les galles du chêne. L’encre bleue est obtenue en broyant une pierre importée d’Asie centrale, le lapis-lazuli; l’encre verte à partir d’une pierre d’un vert vif, la malachite. Les plus anciennes couleurs proviennent des terres, tel l’argile qui fournit des ocres, tel le kaolin ou argile blanche qui réduit en poudre peut se mélanger avec un autre pigment. Mais généralement, les couleurs ne se mélangent pas. La peinture se fait ton sur ton, lorsque la couleur précédente est sèche. Parfois, les enlumineurs collent une fine feuille d’or avant de peindre. Dans ce cas, comme pour les encres et les couleurs, l’ajout d’un liant est indispensable pour que la peinture adhère à la surface du parchemin. Il peut être la gomme arabique, tirée d’un arbre, l’acacia d’Arabie, l’albumine ou blanc d’œuf ou la colle de poisson. L’enluminure est l’œuvre de spécialistes, les enlumineurs et les miniaturistes. Certains d’entre eux voyagent d’une abbaye à l’autre, répondant à des commandes précises. Jusqu’au XIIe siècle, ce sont généralement des moines. Mais à partir du XIIIe siècle, la création des universités et l’apparition d’un public fortuné désireux de posséder quelques ouvrages, entraînent une augmentation de la demande en livres de piété, traités de philosophie, d’histoire... La fabrication d’un manuscrit, et notamment sa décoration, se fait de plus en plus dans des ateliers urbains et laïcs. Mais les techniques restent semblables et même les premiers livres imprimés, les incunables sont encore décorés à la main à la fin du XVe siècle. |