Le billet du club des lecteurs audio
Comme un chant d’espérance / Jean d’Ormesson
Interprétation : Daniel Nicodème
Publication Audiolib : 2015
Durée : 2h14
Format : 2 CD audio
Suivi d’un entretien avec l’auteur
Voici un livre plein de poésie pour lequel feu notre académicien a mené une véritable quête scientifique. Un livre aussi dense que bouleversant. Un texte court, interprété avec profondeur par Daniel Nicodème, par lequel l’auteur justifie ses croyances les plus intimes.
Daniel Nicodème est un comédien de formation anglo-saxonne. Il est la voix francophone de Kenneth Brannagh ou Liam Neeson. En tant que lecteur interprète, il a enregistré » La vie en sourdine » de David Lodge (prix audio « Lire dans le noir » 2009) ou « Concerto à la mémoire d’un ange », d’Eric Emmanuel Schmitt, (lecture distinguée par le Prix d’interprétation Plume de Paon). Rappelons que le club avait gratifié Et puis Paulette / Barbara Constantine d’une très brillante note.
Dans cette synthèse que constitue Comme un chant d’espérance, Jean d’Ormesson s’appuie sur la science pour donner le cadre de sa discussion intérieure, planter le décor. Il rapporte, en quelque sorte, le fruit de ses conversations avec d’éminents astrophysiciens. Les croyances humaines confèrent un dessein à cet univers réappris par la relativité générale. On se laisse envahir par ces questions existentielles, dominés, écartelés que nous sommes entre leur caractère insondable et ce besoin irrépressible de comprendre.
Le temps, le néant, l’émergence de la pensée, le pourquoi de la création, voilà quelques-uns des tags que l’on peut accrocher à cette présentation.
Jean d’Ormesson se confie avec tact et douceur. Des réflexions à la portée d’autant plus grande que son auteur est aujourd’hui passé de l’autre côté du temps, désormais libre d’observer par exemple, ce qui se cache derrière le mur de Planck. En voici quelques-unes.
Merci à vous M. d’Ormesson.
– Il est impossible aux habitants de ce monde de se faire la moindre idée du néant, de l’infini et de Dieu. La tâche inverse, d’inventer un monde à partir de rien et de son éternité, peut paraître à première vue aussi désespérée. Les galaxies, le système solaire, la vie, l’histoire, la pensée, étaient aussi invraissemblables aux yeux du vide et de l’éternel que Dieu aux yeux du monde et du temps.
– La mort est l’autre nom de la vie. Comme la naissance de chacun d’entre nous, la première fraction de seconde de cet univers encore tout neuf est déjà lourde de sa disparition.
– Jailli du néant, le monde plongé dans le temps, est dès son origine, un retour au néant.
– La création d’abord, la pensée ensuite, sont de formidables machines à noyer le néant sous les flots successifs de ce rêve de Dieu que nous appelons le réel.
– La pensée pense le monde ; elle pense Dieu ; elle se pense elle-même ; elle pense aussi la vie de tous les jours : les impôts, la scarlatine, l’argent, la carrière, la sottise, la vanité, la jalousie. Elle est la reine de la longue histoire racontée par le temps sous les yeux d’un Dieu remplacé par les hommes.
– Je te donne la pensée pourrait dire Dieu à l’homme, mais en plus de la souffrance et de la mort qui sont la loi de la vie, tu auras aussi le mal. Et parce que tu seras libre, tu en seras responsable.
– Ce que la souffrance est à la vie, le mal l’est à la pensée.
– Le comportement des êtres humains à l’échelle de l’univers si infiniment grand, ne semble pas très différent du comportement des particules dans l’infiniment petit.
– Sous l’oeil et sous la main de Dieu, l’histoire incompréhensible sans Dieu, cruelle et paradoxale avec lui, prend un semblant de sens. Elle est un discours qui se poursuit, un roman en route vers sa fin, un labyrinthe mis en mouvement.
– Faut-il soutenir que la pensée, le langage, le goût de la vérité et de la beauté, le sens du bien et du mal, tout ce qu’on a longtemps ramassé sous le vocable aujourd’hui à peu près disparu de conscience, suffit à assurer toute la différence après la mort entre rien et l’espérance de quelque chose d’ineffable ?
– L’image que nous nous faisons, dans un sens ou dans l’autre, du grand roman du tout, se joue sur cette ligne de partage entre le néant et Dieu.
– Il me semble impossible que l’ordre de l’univers plongé dans le temps, avec ses lois et sa rigueur, soit le fruit du hasard.
– Pour les hommes au moins, Dieu n’est rien sans les hommes.
– J’ai aimé Dieu, qui n’est rien aux yeux des hommes qui ne sont rien. Je n’ai détesté ni les hommes, ni les femmes, et j’ai aimé la vie qui est beaucoup moins que rien mais qui est tout pour nous.
– Présent partout, éternellement absent, Dieu se dissimule dans ce monde. Chacun peut pourtant dresser, comme un chant d’espérance, la liste des événements ou des occasions où il se manifeste soudain, parfois de façon surprenante, avec une sorte d’évidence ou d’éclat.
– Il y avait pourtant avant les hommes, quelque chose que nous sommes en droit d’appeler un univers en formation […] mais ce quelque chose n’existait presque pas. Il était pure attente. La vie lui donne une histoire avec de l’imprévisible ; la pensée lui donne un sens.
– Dieu a fait sortir le monde du néant pour que l’homme puisse le créer.
– À la fameuse question de Leibnitz que nous avons déjà rencontrée sur notre chemin – pourquoi y a-t-il quelque chose au lieu de rien -, il y a une seule réponse possible, parce que Dieu a distingué le tout du rien.
– Parce que Dieu a confié à l’homme le tout tiré de rien, pour qu’il en fasse un monde où grâce à l’espace et au temps, à la nécessité et au hasard, l’absence se change en présence et le mystère en raison.